EVAN & ELENA | What our lives could have been...

Ce matin, c'est, encore les joues couvertes de larmes qu'Elena s'éveille, la gorge serrée et le coeur battant. Cela se produisait de moins en moins souvent avec le temps, mais toujours beaucoup trop à son gout. Au début, c'était toutes les nuits, qu'elle revivait cette sinistre soirée, et tous les matins qu'elle se réveillait avec cet énorme vide dans le coeur et, malgré la régularité de ses cauchemars, elle ne s'y faisait toujours pas. Au début, tous les matins, elle se réveillait en cherchant frénétiquement Connor dans son lit glacé, pour n'y trouver rien d'autre que du vide, et toutes les nuits, elle revivait cette soirée durant laquelle elle apprit que son mari n'était plus, qu'il était porté disparu depuis des semaines et qu'il n'y avait plus d'espoir de le retrouver. Cela arrivait donc bien moins souvent maintenant, mais en général, dès que le nom de Connor était prononcé à un moment de sa journée, son souvenir revenait la hanter la nuit.

Elle se redressa lentement dans son lit, passant furtivement sa main sur son visage pour en ôter les larmes, avant de pousser un profond soupire. Commencer sa journée, heurtée de plein fouet par sa triste réalité, n'était pas la chose qu'elle préférait. Heureusement, un son provenant de la cuisine parvint jusqu'à elle, détournant un peu son attention de sa rumination matinale : Evan était réveillé. Sans plus attendre, elle ôta la couverture et sortit hors de son lit avec l'agilité qui était sienne. Elle fit un petit arrêt dans sa salle de bain histoire d'effacer les traces de son désarrois et de ses larmes, en passant son visage sous l'eau froide, attrapa sa robe de chambre en satin blanc qu'elle enfila par dessus la nuisette noire dans laquelle elle avait dormit, avant de quitter sa chambre et de rejoindre la cuisine, impatiente de poser les yeux sur le visage qui s'y trouvait.

Evan, c'était son meilleur ami depuis ses douze ans, la personne de laquelle elle était la plus proche et le frère jumeau de Connor. Ensembles, ils étaient les trois mousquetaires, inséparables et faisant tout ensembles. Mais ce fut toujours d'Evan qu'elle était la plus proche. Il y avait comme un lien inexplicable entre eux, lien dont Connor était autrefois un peu jaloux. Enfant, c'était dans ses bras qu'elle se calmait, sa présence à lui qui l'apaisait et lui qui la comprenait sans le moindre mot. Les choses étaient chouettes avec Connor et la vie était belle, mais avec Evan, c'était naturel, instinctif. Ce fut sans doute pour cette raison qu'elle tomba amoureuse de lui avant même de savoir ce qu'était l'amour exactement. Mais il n'en était rien pour lui. Elle était juste sa petite Leny, son chaton, son amie. Rien de plus. Et pour Connor, elle était plus. Alors elle se laissa séduire par lui, laissant de côté les sentiments dévorants qu'elle ressentait pour son meilleur ami. La vie qu'elle eut avec Connor fut belle, douce et agréable, la plus agréable de toute, mais jamais ils ne parvinrent au même niveau d'intimité qu'avaient Elena et Evan.

Arrivant dans la cuisine sur la pointe des pieds, elle le remarqua sans peine, s'affairant devant les fourneaux. Un doux sourire éclaira alors son visage, tandis qu'elle s'avançait vers lui, en silence, sans se faire remarquer. Doucement, elle glissa ses petits bras autour de sa taille et se colla contre lui, posant sa tête sur son dos.
Bonjour... elle dit doucement, appréciant son contact. Voilà, là elle était bien.

Là, collée comme-ça contre lui, elle pourrait y rester pendant des heures. Elle le faisait même souvent autrefois, quand ils étaient jeunes, et passaient des après-midi entières, juste dans un lit ou un sofa, à dévorer de bons bouquins, blottis dans les bras l'un de l'autre, passe-temps que Connor avait d'ailleurs beaucoup de mal à saisir. Elle revoyait encore parfois, les regards et les sourires pleins de sous entendus que s'échangeaient leurs parents quand ils les voyaient ainsi, persuadés qu'ils finiraient ensembles ou qu'ils l'étaient même déjà. Le temps leur donna tord, bien sûr, mais il n'avait en rien ôté l'envie et le besoin qu'avait la belle, d'être toujours au plus près de son ami, envie qui avait considérablement grandit depuis l'annonce de la disparition de son mari. Elle ne pensait pas une telle chose possible avant de ressentir ce besoin grandissant : elle passait déjà tellement de temps dans ses bras, qu'elle n'aurait jamais pensé en vouloir plus encore. Et pourtant. C'était après tout, le seul endroit où elle sentait presque instantanément, son niveau de stress ou d'anxiété décroitre, et c'était de loin, la chose dont elle avait le plus besoin en ce moment. Il n'y avait donc rien de bien surprenant à cela dans le fond.

Ses bras enroulés entour de lui, elle le laisse cuisiner, sans rien dire, profitant simplement de cette petite pause câline, la tête posée sur son dos. Mais l'odeur qui provenait de sa poêle lui parvenant aux narines, éveilla bien vite son appétit. Quel bonheur d'avoir droit à ce genre de petites attention au saut du lit. Il préparait en général, les petits déjeuners, tandis qu'elle était la pro des diners. C'était une organisation qui marchait bien entre eux, et chacun y mettait vraiment du sien. L'affection qu'ils avaient l'un pour l'autre, transparaissait totalement dans les petits plats qu'ils se faisaient, ce qui les rendaient toujours délicieux (sauf cette fois ou Elena s'était mis en tête d'essayer une nouvelle recette trouvée dans un des vieux livres de sa grand-mère...expérience qui fut bien douloureuse pour tous les deux). « Bien dormi ? » il lui demande, tout à sa tâche.

« Très bien...» elle mentit doucement, soucieuse de ne pas l'inquiéter davantage...C'était bien la dernière chose qu'elle voulait. Il se faisait déjà bien assez de soucis pour elle, oubliant parfois sa propre souffrance au profit de la sienne, alors elle n'allait pas en rajouter à cause d'un simple mauvais rêve. Depuis la disparition de Connor, Evan était vraiment aux petits soins pour elle, et, bien qu'elle apprécie totalement cette situation, elle en culpabilisait un peu parfois. Elle avait perdu un ami et un mari, mais lui avait perdu un frère jumeau, un ami, un partenaire, une partie de lui-même et elle n'avait pas la moindre force pour l'aider à surmonter cette tragique disparition. Alors le moins qu'elle pouvait faire, c'était lui épargner certains de ses états d'âme histoire de ne pas l'accabler davantage  « ...et toi ? » elle s'empressa donc de rajouter en caressant doucement son torse de son pouce, souhaitant détourner son attention de son cas. Il savait en général, sans la moindre difficulté, quand elle mentait ou non, alors c'était sa seule chance de ne pas attirer son attention. « C’est presque prêt ! J’espère que tu as faim ! » « Je suis affamée ! » Elle s'empressa de répondre en riant, avant de se hisser sur la pointe des pieds pour déposer un baiser à la base de sa nuque « Ca sent délicieusement bon ! » elle le complimenta, tandis qu'il remplissait deux assiettes avec le contenu de sa poêle, avant de se tourner, lui faisant face.

Tandis qu'elle le dévisageait, heureuse de retrouver ce visage si familier, son regard s'arrêta comme souvent, sur ses magnifiques yeux bleus...une telle chose ne devrait pas exister. Elle lui disait souvent qu'il avait des yeux de mutant, tellement leurs couleurs était intense et déroutante. Ils la perturbaient presque davantage que ses lèvres qui vinrent se poser sur son front. Ca aussi, c'était plutôt habituel entre eux, mais elle ressentait toujours un petit frisson courir le long de son échine, frisson qu'elle tentait tant bien que mal, de dissimuler par un petit rire. « Merci pour le petit déjeuner » elle déclara, souriante, avant de se défaire lentement de son étreinte et d'attraper les deux assiettes. « Assieds toi, je m'occupe de la suite ! » Elle s'empressa de poser les deux assiettes sur le bar séparant la cuisine de la pièce principale, là où ils mangeaient le plus souvent, avant de fouiller dans le frigo à la recherche d'une bouteille de jus de fruit. Elle attrapa au passage, deux verres dans un placard haut, davantage configuré pour la taille des jumeaux que pour le sienne, se hissant une fois de plus sur la pointe des pieds, geste qui releva légèrement le bas de sa robe de chambre. Elle posa ensuite les deux verres devant les assiettes et les remplit, en relançant la conversation « Alors qu'a tu de prévu pour aujourd'hui ? »

« J'ai fait un très beau rêve. Donc oui, je suppose que j'ai bien dormi. » en entendant ces quelques mots, le regard de la brunette s'éclaira légèrement. Un très beau rêve ? Elle voulait en savoir plus bien évidemment. Les sources de joie et de réjouissance étaient pour le moins rares pour elle ces derniers temps, alors elle pouvait au moins se réjouir pour son ami...oui, cela pouvait sembler un peu triste (se réjouir pour un beau rêve...triste on est d'accord) mais c'était pour elle, un peu comme un refus de se laisser entièrement bouffer par sa tristesse. Et puis des beaux rêves, cela faisait bien longtemps qu'elle n'en avait pas fait, et elle avait bien l'intention de vivre celui-ci par procuration.

« Ah ? Raconte moi donc ce très beau rêve ! » elle déclara en posant les assiettes sur le plan de travail, adressant un large sourire à son ami. Oui, la curiosité était évidemment l'un de ses défauts, mais ça aussi, il le savait. Il savait donc parfaitement à quoi s'attendre avec elle !


Le assiettes en place et les verres remplis, elle prit place à côté de lui, lui demandant son programme pour la journée comme elle le faisait tous les matins. Pour une fois, ce n'était pas une énième manifestation de sa curiosité, mais un vrai intérêt pour ce qui pouvait lui arriver. Et puis c'était aussi et surtout un façon pour elle de se rassurer et d'apaiser un peu ses angoisses. Elle avait perdu quelqu'un d'important pour elle dernièrement, alors ça la rassurait beaucoup de savoir où était Evan, ce qu'il faisait et surtout, s'il allait ou non lui revenir. Bien sûr, prendre connaissance de son emploi du temps ne l'empêcherait pas de le perdre lui aussi. Il pouvait très bien lui arriver malheur dès qu'il passait cette porte - elle l'avait apprit cette triste réalité, dans la douleur -, mais cela apaisait ses craintes et lui donnait un peu l'illusion d'avoir un minimum de contrôle sur sa présence et son absence. Quand elle le savait au travail, elle savait qu'il ne risquait pas sa vie et qu'elle avait de fortes chances de le revoir.

La plupart du temps, il ne lui disait pas seulement ce qu'il allait faire dans la journée, il lui disait surtout s'il rentrait ou non le soir et ça, c'était une information essentielle pour elle. Rares étaient les fois où il lui disait qu'il rentrait chez lui...c'était un peu comme s'il vivait ici à présent. Et pourtant, elle craignait tous les jours de l'entendre lui dire "je vais bosser et je rentre chez moi". Il en aurait tout à fait le droit, c'était évident, mais pour elle, dormir seule dans cette immense maison et se réveiller sans lui, lui paraissait absolument inenvisageable. Alors, la réponse qu'il donna à sa question, afficha un grand sourire sur son visage. « C'est vrai ? » Elle demanda rapidement, un peu comme une enfant apprenant qu'un énorme cadeau l'attendait de l'autre côté de la porte. Aujourd'hui au moins, elle n'aurait pas à s'inquiéter pour lui et à se demander si elle le reverrait ou non le soir.

« Et toi ? Tu avais prévu quelque chose ? » Quelque chose de prévu ? Oui, toujours la même chose pour Elena, la seule chose qu'elle supportait encore de faire, au seul endroit où elle appréciait vraiment se rendre : s'occuper du ranch et de ses chevaux. Elle s'occupait de nombre de chevaux qui étaient placés en résidence dans son ranch, mais son préféré était de loin Wildfire, le seul qui lui appartenait. C'était son père qui le lui avait offert à son arrivée dans la région. Il n'était plus tout jeune à présent, mais elle ne l'en aimait que plus, surtout maintenant qu'elle savait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps à passer avec lui. « Passer la matinée avec toi au Ranch ? » Elle suggéra alors, toujours souriante, avant de prendre une grosse bouchée de son petit déjeuner. Affamée elle a dit ! Une fois sa bouchée avalée, elle reprit avec l'entrain qui était à présent sien « Et on pourrait aller à la plage cet après-midi ? Et se faire un film pour terminer la journée en beauté ? Ou autre chose si tu as d'autres idées ! » il n'y avait clairement que pour lui, qu'elle pouvait accepter de quitter le ranch en pleine journée, pour faire autre chose.
En général, si on voulait proposer quelque chose à Elena, qui n'avait pas rapport aucun rapport avec l'univers des chevaux, il valait mieux éviter de la laisser mettre les pieds au ranch. Une fois qu'elle y était, il fallait en général, attendre le couché du soleil pour qu'elle se décide à rentrer, pas avant. Mais profiter pleinement d'une journée entière avec Evan, était bien plus important pour elle que de profiter du ranch. Elle avait tout le temps pour ça.


La conversation fut joyeuse pendant ce petit déjeuner, comme elle l'était en général quand ils étaient tous les deux. A chaque fois qu'Evan était là, c'était comme ci toute trace de tristesse et de peine s'en allait loin, très loin de ce foyer. Quand elle était avec lui, elle ne pensait plus du tout au trou qui s'était formé en elle depuis quelques mois. C'était d'ailleurs plutôt paradoxal : ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau (ils n'étaient pas jumeaux pour rien après tout) et pourtant, elle ne pensait pas à Connor en regardant Evan. Ils étaient tellement différents l'un de l'autre, qu'il n'y avait aucun amalgame possible dans son esprit. Ce fait mettait d'ailleurs fin, aux possibles élucubrations des mauvaises langues qui diraient qu'elle prenait un frère pour remplacer l'autre : ils n'avaient strictement rien à voir elle ne pourrait jamais demander à Evan de remplacer son frère, ce qui ne lui passerait bien sûr jamais à l'esprit. Evan, elle l'aimait parce qu'il était Evan, tout simplement, et elle n'attendait rien de plus que de rester exactement celui qu'il était.

Le petit déjeuné terminé, Elena posa ses couverts à côté de son assiette et se tourna un peu dans la direction de son ami, qu'elle dévisagea quelques secondes, un sourire idiot au visage (ce qui lui arrivait de plus en plus souvent ces derniers temps). Doucement, elle vint poser sa main dans sa nuque qu'elle caressa doucement de son pouce, et lui dit calmement « Merci d'être là Evan...ça compte beaucoup pour moi ! » ça, il devait très certainement le savoir, mais elle avait envie de le dire une nouvelle fois. Oui, sa reconnaissance était grande, pour cet ami si présent et encore plus essentiel à sa vie qu'il ne l'était déjà autrefois.

La bouche pleine, elle l'écoute raconter brièvement son rêve, ce qui n'ôta en rien son sourire du matin. Pour beaucoup, ce court récit pouvait être sans intérêt, mais pas pour Elena. Elle savait toujours tout ce qui se passait dans sa vie, du plus grandiose au plus minime et le tout la passionnait vraiment. Il était une partie à part entière d'elle après tout. Mais son sourire s'estompa un peu en entendant la suite de ses paroles « Ça fait du bien...après toutes ces nuits où... » Oui, toutes ces nuits où...elle savait très bien ce dont il parlait. Elle avait les mêmes nuits. Il n'avait pas besoin d'en dire davantage. Calmement, elle vint poser sa main sur sa joue « Je sais... » elle lui répondit doucement, tandis qu'un petit sourire empreint de tristesse, pris place sur son visage. Leur souffrance était la même, alors ils n'avaient pas vraiment besoin de s'en dire beaucoup pour se comprendre. Et puis en parler encore et encore, revenait un peu à remuer le couteau dans la plaie, ce qui n'était pas nécessaire. Mais dans un coin de son esprit, trottait l'étrange inquiétude qu'à force d'éviter les conversations, ils finissent par être incapables de s'en parler librement.

La conversation partit ensuite sur un sujet beaucoup plus joyeux, tandis qu'ils faisaient des plans pour une journée rien qu'à deux. Ce type de journée n'était pas particulièrement rares - ils étaient tout le temps collés l'un sur l'autre après tout - et pourtant, elles n'en étaient pas moins précieuses. « Loque ça sera alors ! » Quel joli programme ! Tous les éléments étaient réunis pour que cette journée soit de loin, la meilleure de sa semaine !

Le repas presque terminé, Lena se sentit prise d'une soudaine vague de reconnaissance qu'elle ne put garder pour elle. Evan était à présent - et depuis toujours - la personne la plus importante pour elle, et elle ne pouvait s'empêcher de le lui dire. La main posée dans sa nuque, elle n'a qu'une seule envie : l'attirer vers elle et l'embrasser. Du bout des doigts, elle pianote doucement sur sa peau, tandis qu'elle tente de réfréner cette soudaine envie de l'avoir plus près d'elle. Ca faisait un certain temps qu'une telle chose ne s'était pas produite, ou plutôt, plus produite.
Adolescente et avant son mariage, elle ne passait pas une seule journée sans avoir envie qu'il l'embrasse. Pas une seule. Et puis Connor avait fait son entrée et cette envie s'était faite un peu plus rare et puis les années de mariage en avait finalement eut raison. Alors, à la disparition de Connor, elle avait tenté de refaire son apparition, provoquant alors une atroce culpabilité en elle. Comment pouvait-elle avoir autant envie d'embrasser le jumeau de son défunt mari ? Qu'est-ce qu'une telle envie faisait d'elle ? Non, ce n'était pas envisageable. Alors là, à ce petit déjeuner à deux, c'était la première fois que cette envie ne lui provoquait pas une atroce douleur au plus profond de ses entrailles et pire : c'était la première fois qu'elle envisageait presque de se laisser aller. Le pouvait-elle ? Oserait-elle ? Non, sans doute pas. Il était son seul repère à présent, son pilier, et tenter une telle chose revenait à risquer de mettre en péril leur amitié, un luxe qu'elle ne pouvait pas se permettre. Lentement, elle relâcha son emprise sur sa nuque, renonçant alors à ses étranges idées, tandis qu'il lui répondait, avant de se lever et de la serrer dans ses bras. Ce n'était pas vraiment fait pour l'aider ça.

Doucement, elle vient poser sa tête au creux de son cou, s'enivrant de son odeur si familière. Bon sang, ce qu'elle pouvait être bien là, tout contre lui. C'était vraiment la sensation qu'elle préférait sur terre : sentir ses bras autour d'elle, sa chaleur contre elle et son coeur battre contre elle. Oui, c'était ça qu'elle voulait, ça et rien d'autre. Elle se retint une nouvelle fois de lever la tête et de lui voler un baiser et heureusement - ou malheureusement, tout dépend du point de vue - il mit fin à cette étreinte, reprenant sa place et poursuivant avec la douceur qui lui était propre « Tu pourras toujours compter sur moi. J'espère que tu le sais. » Oh oui, ça elle le savait. Il le lui avait prouvé de multiples façons et à de multiples reprises, mais l'entendre était toujours agréable.

« Je sais mon coeur... » Elle lui adressa un énième sourire, avant de le suivre et de ranger son assiette dans le lave vaisselle et de commencer à ranger la cuisine, comme elle le faisait tout les matins. « Vas te préparer je m'occupe du reste ! » elle lui dit en posant une fois de plus une caresse sur sa joue. S'occuper de lui et le bichonner était le moins qu'elle pouvait faire pour celui qui apportait tant de joie et de soin à sa vie à l'heure actuelle.

Evan partit, elle s'affaira dans la cuisine pour ranger tout leur bazar en chantonnant, faux bien évidemment, mais de tout son coeur. Le tout nettoyé, elle mit une dosette dans la machine à café et sortit du placard, leurs deux thermos assortis « Je me prépare un café to go, tu en veux un ? » elle cria à son intention en sortant une bouteille de lait de soja du frigo.

C'était une des nombreuses choses qu'elle appréciait grandement dans le fait d'avoir Evan à la maison, ça, prendre soin, ou plutôt, faire tous ces gestes là pour deux. Pour elle, la vie ne valait la peine d'être vécue que si elle était partagée et retrouver ces petits gestes là, lui faisaient un bien fou. Mais il y avait bien plus derrière sa joie de partager son quotidien avec lui. Elle ne voulait pas le partager avec n'importe qui. Elle aimait prendre soin de lui, partager ces moments là avec lui, préparer ce café pour lui...elle ne voulait pas juste n'importe quelle présence qui la fasse se sentir utile et appréciée. Elle voulait la sienne. Le sourire qui étira ses lèvres en préparant ce simple café le lui fit réaliser, attisant un peu plus le monstre de culpabilité caché en elle. Oui, elle aimait prendre soin de lui, essayer de lui apporter autant de joie qu'il lui en apportait...peut-être un peu trop pour une femme mariée. Car oui, même si Connor n'était plus là, elle se considérait parfois encore comme mariée, veuve, certes, mais son alliance trônait encore fièrement autour de son doigt.

Etait-ce normal d'avoir autant envie d'être avec Evan, d'apprécier autant les moments simples de la vie passés en sa compagnie et d'aspirer à en passer plus encore ? Il était après tout le frère de son défunt mari...mais il était aussi et surtout son meilleur ami, son plus vieil ami, la seule personne sur laquelle elle pouvait compter à l'heure actuelle, mais également la première personne à lui avoir tendue la main quand elle avait douze ans et qu'elle était un peu perdue. Tout cela provoquait un immense conflit en elle : elle ne pouvait plus nier son envie de passer toujours plus de temps avec lui, ou la placer sous couvert de leur indéfectible amitié comme elle le faisait quand Connor était encore là. Plus maintenant. Avant, Connor réclamait presque autant qu'elle, la présence de son frère, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Aujourd'hui, c'était elle qui le voulait, elle et personne d'autre et ça, ça lui était dur à accepter.

Les cafés et les victuailles prêts, elle se rendit à son tour dans sa chambre pour se préparer pour la journée. Pensant avant tout au travaille, elle enfila une paire de jean un peu vieux mais ultra confortables, un débardeur noir et mit par dessus, un peu par habitude, une chemise à carreau rouge, qui appartenait à Connor. Mais alors qu'elle la nouait devant son miroir, une sensation d'inconfort s'empara d'elle. Ce n'était pas correct ou du moins, ça ne lui semblait pas correct. Elle ôta la chemise en soupirant, la reposa respectueusement sur son cintre dans le dressing et la caressa doucement du bout des doigts, un peu saisie de nostalgie et d'une atroce culpabilité. Elle ne pouvait pas décemment porter cette chemise, pas aujourd'hui, pas alors qu'elle avait eut tant envie d'embrasser Evan quelques minutes avant. Elle ne pouvait pas faire une telle chose. Elle attrapa donc une chemise bleue foncée et la noua sur son ventre en sortant de sa chambre, un peu contrariée par le bazar qui régnait dans son esprit confus.

De nouveau dans la cuisine, elle glissait les deux thermos dans un sac quand Evan refit son apparition dans la pièce, chassant bien vite les douloureux questionnements de la belle, par son simple sourire « Prête pour une petite journée en tête-à-tête ? » Ses lèvres s'entrouvrirent pour qu'elle puisse sortir la réponse la plus sensée à cette question "Bien sûr", mais elle se ravisa quelques secondes. L'était-elle vraiment ? A passer une journée avec Evan, oui bien sûr. Ce n'était pas la première de ce genre et ça ne serait certainement pas la dernière (si elle ne faisait rien de stupide bien sûr). Mais à passer une journée en tête à tête, avec ce qu'une telle chose pouvait peut-être impliquer ? Peut-être...oui ?...non...? En même temps, elle avait renoncé à cette chemise, ce n'était pas anodin...
Peut-être qu'elle réfléchissait beaucoup trop après tout. Le sourire blagueur qu'arborait Evan le lui signifia. Il n'avait clairement pas pris conscience de l'autre sens que pouvait potentiellement avoir cette déclaration, alors il était sans doute inutile de se prendre la tête avec toutes ces préoccupations  « Toujours ! » elle lui répondit avec un sourire sincère, en posant le sac remplit des thermos, sur le comptoir. « D'ailleurs... il y a quelque chose dont j'aimerais te parler plus tard. Rien de grave, ne t'en fais pas !" » Alors là, il éveillait sa curiosité.

Il devait pourtant savoir depuis le temps, qu'une curieuse comme Elena, ne pourrait pas se contenter d'une telle déclaration. Plus tard ? Certainement pas. Son regard s'éclaira, devenant alors semblable à celui d'une enfant de cinq ans intriguée par ce que cache sa tata cool derrière son dos, alors qu'elle s'approchait de lui en mordant doucement sa lèvre inférieure

« Quoi donc ? » Elle n'envisagea même pas que ça puisse être quelque chose de grave - il lui avait dit que ce n'était rien de grave et la confiance aveugle qu'elle avait en lui ne lui permettait pas de remettre sa parole en doute - mais elle voulait savoir, tout simplement.

Comme pour détourner son attention, il posa un baiser sur sa joue avant de l'inciter à partir. Il voulait garder le mystère ? Très bien, mais elle ne le lâcherait pas, c'était certain. Elle se mordit une nouvelle fois la lèvre, avant de dire, amusée
« D'accord...mais tu sais que tu ne t'en sortira pas comme ça, n'est-ce pas ?! » ça c'était certain !

Elle tourna cependant les talons, le sac sur l'épaule, rejoignant l'entrée pour enfiler ses chaussures. « Tiens, tu peux attraper la glacière qui est juste là ? J'ai préparer des trucs pour la plage ! » elle lui lança tout sourire en enfilant sa deuxième basket (oui, ses bottes l'attendaient au ranch, plus pratique). C'était ça aussi Elena : pleine de surprise et de ressources, organisée et attentionnée. Elle était faite pour ça après tout.


La matinée était passée a une vitesse folle, comme à chaque fois qu'Evan venait au ranch. Elle avait, après tout, toute les choses qu'elle aimait, réunies au même endroit. Travailler avec lui était un vrai bonheur : ils se comprenaient, s'écoutaient et se complétaient à la perfection, ce qui rendait le travail encore plus agréable. Et puis ils eurent même le temps de faire une petite promenade dans les environs histoire de terminer la matinée en beauté, avant de regrimper dans la voiture direction : la plage.

Durant le trajet, la main d'Elena s'était perdue comme souvent, dans les cheveux d'Evan qui conduisait alors, tandis qu'elle profitait calmement du paysage. Elle était bien là, comme ça, en voiture avec lui, profitant de chaque instants, et le temps d'un instant, elle se remit à penser à ce road trip duquel ils parlaient quand ils étaient ados. C'était leur rêve à eux, à tous les deux quand ils étaient plus jeunes, mais Connor n'était pas trop emballé par l'idée et comme ils faisaient toujours tout à trois, ils n'en firent jamais rien. Mais là, les cheveux agités par le vent s'engouffrant dans l'habitacle et la main posée sur lui, elle se laisse
a aller à y repenser.

Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent enfin à la plage. Contente d'être arrivée à destination, Elena pose son regard sur son chauffeur du jour en souriant. « Chui contente d'être là avec toi ! » elle déclara, enjouée. Elle se pencha rapidement et posa un baiser sur sa joue, avant de descendre du pick-up pour récupérer le sac et la glacière à l'arrière.

La plage. Étrangement, malgré sa proximité, Elena n'avait pas souvent l'occasion d'y aller ou plutôt, elle ne s'accordait pas souvent la possibilité d'y aller, premièrement parce qu'elle travaillait beaucoup pour oublier sa peine et qu'elle n'en avait pas le temps. Mais la raison principale était qu'elle avait plutôt du mal avec l'inactivité et que se dorer la pilule au soleil pendant des heures était pour elle, un concept assez abstrait. Avec sa peau légèrement hâlée de descendante hispanique, elle n'avait pas besoin de se faire griller pendant des heures pour être bronzée, alors elle n'avait pas grand intérêt à s'allonger sur une serviette pendant des heures et pour ce qui était sports nautiques, son intérêt n'était pas plus grand. Elle était pourtant de nature assez sportive et aventureuse, mais la perspective de se retrouver sur un jet ski, ou sur une planche à voile ou encore une planche de surf ne la réjouissait pas plus que cela. La pratique de ces sports pouvait potentiellement l'intéresser, mais la vie marine, ou plutôt le fait de ne pas voir où cette dernière se trouvait exactement, l'angoissait au plus haut point. Depuis les dents de la mer, elle craignait un peu les requins et autres grosses bestioles qui pouvaient se trouvent en dessous de la surface. Alors, elle n'avait en soit, pas grand intérêt à venir à la plage. Mais en compagnie d'Evan, les choses étaient bien différentes. Avec lui, elle n'avait plus peur...enfin si, encore un peu, mais beaucoup moins. Et puis il constituait à lui tout seul, une source d'intérêt intarissable.

Installée à côté de lui, elle sortit tranquillement les éléments qu'elle avait préparé pour leur petit pique-nique, en combattant en vain les actions dérangeantes du vent rebelle qui agitait brutalement ses cheveux...en voilà une autre raison d'éviter de se rendre à la plage. La nourriture et quelques boissons déballées, elle agrippa le bas de son t-shirt dans le but de l'enlever (elle bronzait très facilement et l'idée d'avoir des marques étranges sur les bras ne la réjouissait pas vraiment), quand Evan prit la parole. Ce n'était pas trop tôt : elle le trouvait bien trop silencieux et bien trop tendu depuis leur arrivée.

« En fait, je me suis dit que je pourrais m'installer définitivement chez toi » En voilà une surprise. Elle stoppa son mouvement, laissant ses bras reposer sur ses genoux, tandis qu'elle dévisageait son ami, cherchant à savoir s'il était sérieux ou non. S'il plaisantait, ce n'était vraiment pas drôle. Vivre avec lui, elle le faisait déjà depuis quelques temps...enfin en quelque sorte, mais s'installer ensemble avait quelque chose d'assez...officiel. Sa présence avait beaucoup d'importance et de valeur pour elle et la perspective de l'avoir officiellement avec elle la réjouissait, tout autant qu'elle l'effrayait. C'était tout de même une sacrée étape à passer que de s'installer avec un autre homme...ce n'était certes, pas n'importe quel homme, mais tout de même. D'un autre côté, il n'y avait qu'avec Evan qu'elle pouvait se projeter en "ménage" sans se sentir submergée par la culpabilité de trahir son mari. Alors si ce n'était qu'une idée en l'air, une chose dite comme ça, sous l'impulsion d'un moment, ce n'était vraiment pas drôle.
« Je paie un peu un loyer pour rien en ce moment, alors...si tu es d'accord... » Il était donc cent pour cent sérieux. Elle aurait pût le deviner juste à son niveau de tension et au regard qu'il posait sur elle. Cependant, la tension sembla bien vite quitter son regard, pour laisser place à un air bien différent, un air qu'elle ne saurait définir exactement, mais qu'elle avait déjà vu sur son visage à de multiples occasions, mais qu'elle s'était toujours appliquée à ignorer, convaincue d'en faire une mauvaise lecture.

Cela ne pouvait pas être ce qu'elle pensait, ce qu'elle savait pourtant au plus profond d'elle même, mais qu'elle s'interdisait de formuler de façon réelle. Ca ne pouvait pas être cette chose qui agitait son propre coeur depuis des années, cette chose qu'elle tentait d'étouffer tant bien que mal, à grand coups de déni et de distraction, se convainquant qu'elle ressentait un amour bien plus fort pour quelqu'un d'autre, et que cette chose en question n'existait pas, ou plutôt, qu'elle n'avait pas la moindre raison d'être. Et pourtant, il la regardait de ce regard qui la faisait autrefois défaillir et espérer...le temps n'avait eut aucun effet sur cette étrange sensation, si douce et à la fois si terrifiante.

Il se rapprochait d'elle, lentement mais surement et elle retint son souffle, gardant son regard rivé dans le sien, de crainte de prendre ses jambes à son cou une fois ce contact si rassurant, rompu. Tout cela était visiblement bien réel. Ce nouveau regard, elle ne l'avait jamais vu (et ce n'était pas faute de l'avoir cherché à l'époque). Elle vit son regard se promener le long de ses lèvres et son coeur rata un battement. Elle était peut-être un peu naïve, mais bien loin d'être idiote. Un homme ne regarde pas une femme comme ça en vain. Il était proche...Très proche. Ils avaient déjà été aussi proches l'un de l'autre et à de multiples reprises, mais jamais comme ça.

A bout de souffle, elle sentit la douce chaleur de ses lèvres se poser sur les siennes, mettant fin à son agonie. Elle n'avait pas rêvé, ni même totalement fantasmé cet étrange pressentiment. Ses lèvres contre les siennes, elle retrouva enfin la capacité de respirer, mais pas trop fort, de crainte de briser ce moment. Elle hésita quelques micro seconde, avant de lui rendre son baiser, sans vraiment y réfléchir. Si elle avait prit le temps d'analyser la situation, le visage de son mari lui serait tout de suite venu à l'esprit, et elle aurait immédiatement pris ses distances. Mais il n'en fut rien : Evan fut le seul à cet instant, à occuper totalement ses pensées. Elle leva doucement sa main pour caresser sa joue, mais se ravisa, hésitante. C'était un terrain totalement inconnu sur lequel ils s'avançaient, et elle n'en connaissait pas encore les codes.

Après quelques instant, Evan mis fin à se baiser. Il fallut quelques secondes à Elena pour rouvrir ses yeux, encore un peu chamboulée par ce qui venait de se passer. Quelle ne fut donc pas sa surprise de retrouver son ami, rouge écarlate devant elle. « Elena, je... » il balbutia, hésitant, ramenant brutalement la jeune femme à la réalité. Ils venaient de s'embrasser. Evan et Elena, amis de longue date, meilleurs amis, beau-frère et belle-soeur, venaient de s'embrasser. Cela n'était certainement pas anodin...Alors pourquoi était-elle remplie de l'impression qu'il n'y avait rien de plus normal sur terre ? Evan, elle le connaissait par coeur, elle l'aimait plus que tout, ils partageaient tout et ce, depuis des années elle...elle était tombée amoureuse de lui, avant même de savoir ce qu'était véritablement l'amour...elle ne pouvait rien trouver de mal dans ce geste et ce, malgré le fait que celui qui venait de l'embrasser, était le frère de son mari disparu. C'était impossible.

« J'avais envie de faire ça depuis si longtemps...Et quand je t'ai vue, tellement belle...je n'ai pas pu résister. Je suis désolé... » Désolé, il n'avait vraiment pas à l'être, surtout pas après un tel compliment. Un doux sourire s'afficha sur son visage, tandis qu'elle inclinait légèrement la tête en passant ses mains dans ses cheveux, pour dissimuler son léger embarra. Elle ne savait jamais vraiment comment répondre et réagir à des compliments. « Je tiens tellement à toi. Bien plus que tu ne peux l'imaginer...» A ces mots, elle releva le regard, qu'elle plongea dans celui d'Evan et y lut l'incroyable sincérité dont il faisait toujours preuve avec elle. Touchée en plein coeur, son sourire s'étira un peu plus, tandis qu'elle s'autorisa enfin à porter sa main à son visage avec douceur.

Touchée, elle garda cependant le silence, tandis qu'une petite idée grandissait à vitesse grand v dans son esprit. Elle avait là, la conviction que les sentiments enfouis en elle depuis si longtemps, n'étaient pas à sens unique, bien au contraire. Elle avait espéré une telle chose pendant si longtemps, que la joie qui emplit son coeur, surpassa amplement la culpabilité qu'elle pouvait ressentir après avoir tant apprécié ce baiser. L'homme qu'elle avait tant aimé, celui avec qui elle se voyait à la base, faire sa vie, venait de lui dire qu'il n'avait pas put résister à l'envie de l'embrasser...cette réalité supplantait tout ce qui résidait d'ordinaire dans son esprit, et elle redevenait le temps d'un instant, une femme follement sous le charme d'un homme qui l'attirait et qu'elle aimait en secret et elle était bien décidée à en profiter, avant que la culpabilité ne reprenne ses droits.

Rapidement, elle se releva et, attrapant de nouveau le bas de son t-shirt, elle l'ôta avec aisance et le laissa tomber mollement devant Evan. Elle en fit de même avec son short, révélant alors le sublime maillot deux pièce qui la mettait en valeur, avant de s'avancer en direction de l'eau. Sur le chemin, elle prit tout de même le soin de se retourner et de lancer un regard plutôt équivoque à Evan, l'invitant à se joindre à elle dans cette baignade improvisée. L'eau arrivant à présent au niveau des genoux, elle se tourna une nouvelle fois vers lui, pour s'assurer que le message était bien passé, et remarqua avec plaisir, que son t-shirt avait laisser place à son torse sur lequel elle bavait continuellement à l'époque.

Elle le regarda s'approcher tout en s'enfonçant elle-même un peu plus dans l'eau jusqu'à en être submergée. Quand il arriva enfin à sa auteur, elle s'approcha lentement de lui, tel une sirène des temps modernes, avant de glisser ses bras autour de son coup, le tout, sans jamais se défaire de son sourire...elle n'aurait pas pu même si elle l'avait voulu.
« Je tiens aussi à toi...bien plus que tu ne peux l'imaginer... » elle lui dit alors comme dans un murmure, reprenant sa propre formulation, avant d'avancer son visage du sien et de lui voler à son tour un baiser. Elle n'hésita pas cette fois, à glisser sa main dans sa nuque qu'elle caressa de son pouce en lui donnant ce second baiser, profitant à fond de ces quelques instants.

Enfouie dans l'eau jusqu'aux épaules, Elena attend avec une impatience à peine contenue, l'arrivée de son...son quoi au juste ? Qu'était-il pour elle à présent, après ce baiser et cette déclaration ? Quel statut devait-il tenir à présent dans sa vie ? Devait-elle le considérer différemment ?...il lui semblait que non. Elle ne se sentait pas particulièrement différente dans le fond. Ses sentiments étaient juste enfin autorisés à s'exprimer librement après des années, mais il n'y avait rien de changé dans leur nature. Alors pourquoi devrait-elle le considérer autrement que comme Evan, son Evan, celui qu'elle avait toujours connu et aimé en secret ? Elle n'en voyait absolument pas la raison.
Alors, enfouie dans l'eau, elle attendait son Evan, avec une impatience à peine contenue, et une étrange sensation nichée au creux de son ventre, sensation qu'elle n'avait encore jamais ressentie et qui était malgré tout atrocement agréable. C'était à mi chemin avec cette excitation ressentie enfant, le matin de Noël juste avant de découvrir les cadeaux et cette chaleur qui pouvait s'emparer de tout son être, à chaque fois qu'un bonheur intense faisait son apparition dans sa vie...un mélange détonnant qu'elle n'avait encore jamais expérimenté, pas même le jour de son mariage et pour cause : le jour de son mariage, Evan ne se tenait pas à ses côtés, mais à ceux de son frère qu'elle s'apprêtait à épouser et dont il était le témoin. Son bonheur ne put donc pas être entier. Mais aujourd'hui, le voir s'avancer vers elle dans cette eau qu'elle sentait pourtant à peine contre sa peau, bien plus préoccupée par une tentative de contrôle de ses pensées et des battements irréguliers et ultra rapides de son coeur, effaçait de loin tous les souvenirs en demie teinte, accumulés au fil des années.

Impatiente et grisée par cette sensation nouvelle et follement agréable, elle s'empressa de lui retourner ses paroles, avant de gouter une nouvelle fois à ses lèvres avec envie, savourant son contact si familier et à la fois si incroyablement différent. De violents frissons s'emparèrent d'elle en sentant les mains d'Evan parcourir son corps avec un naturel déconcertant, qui ne fit que la rassurer quant à la nature de leur nouvelle relation. Une telle proximité aurait pu paraitre un peu étrange pour les deux amis, qui auraient pu y trouver une source de malaise, mais il n'en était rien de toute évidence.

Lentement, elle enroula ses jambes autour de la taille d'Evan, se retenant malgré tout pour ne pas se laisser déborder par tout ce qui se passait dans sa tête et dans son coeur, contenu depuis bien trop longtemps, sentant déjà l'arrivée d'un véritable tsunami. Elle resserra ensuite ses bras autour de son cou, se faisant encore un peu plus proche de lui, se retenant cette fois-ci de ne pas l'enserrer trop fort de crainte de étouffer, ce qui serait tout de même sacrément dommage vu la tournure que prenaient les événements.

Evan finit par mettre fin une fois de plus à cet échange, après une durée qui dura bien trop peu aux yeux d'Elena, qui eut bien du mal à reprendre son souffle. Les joues roses et une agréable sensation de chaleur au creux des reins, elle le dévisageait, cherchant à voir si son regard sur lui avait potentiellement changé. Il n'en fut rien. Au plutôt si : elle le voyait à présent ouvertement comme l'homme qu'elle aimait, et non plus comme celui qu'elle ne pourrait ni ne devrait avoir ou désirer. Elle posa délicatement sa main dans sa nuque qu'elle caressa tendrement, tandis qu'il se déclarait de la façon la plus simple et la plus directe, façon qui lui ressemblait parfaitement, prononçant les mots qu'elle rêvait d'entendre depuis ses 16 ans : « Je t'aime, Elena...Depuis si longtemps...trop longtemps...» Son coeur s'accéléra considérablement, presque davantage que pour leur premier baiser, réalisant que tout cela était bel et bien réel.

Elle avait en effet rêvé d'entendre ces mots et ce, à de nombreuses occasions : ce soir où Connor était aller se coucher plus tôt que prévu, laissant les deux amis blottis l'un contre l'autre dans ce hamac dans le jardin des Miller, et laissant surtout une Elena de 16 ans, rêveuse, blottie dans les bras de celui qu'elle aimait, priant pour que ces sentiments naissants soient réciproquent en vain, à ce mariage d'une cousine Herredia auquel il avait été son cavalier, la faisant virevolter sur la piste de danse toute la journée sous les regards entendus de tous les membres de la famille, couvrant le visage de la jeune femme de 18 ans d'un sourire radieux, espérant une fois encore que l'amour qui flottait dans l'air le déciderait à se déclarer, ou encore le jour où elle lui fit part des doutes qu'elle avait sur sa relation naissante avec Connor, espérant qu'il lui dirait qu'elle se trompait et qu'elle devrait être avec lui...il fit bien sûr le contraire ce jour là, incitant la jeune femme à donner une chance à son frère, laissant une fois de plus parler la loyauté qu'il avait pour son jumeau, au détriment de ce qu'il ressentait apparemment pour elle. Il en fut de même le jour où ils annoncèrent leur fiançailles...oui, même ce jour là, elle espéra encore une soudaine prise de conscience chez lui. Elle avait espéré, rêvé même, qu'il la prendrait à part, lui disant qu'elle faisait une erreur et que Connor n'était pas celui qui lui fallait. Elle fit malgré tout le deuil de ses rêves pour se plonger entièrement dans cette relation qui devait la rendre heureuse et qui lui apporta en effet beaucoup de bonheur, mais un bonheur totalement incomplet, car elle n'avait pas celui qu'elle voulait vraiment à ses côtés.
Oui, il y avait eut de nombreuses occasions au cours desquelles elle s'était attendue à entendre ces quelques mots qui auraient pu changer beaucoup de chose dans leurs deux vies et cette pensée se fit soudainement très présente et pressente en elle, tant et si bien que ce fut la première chose qui passa la barrière de ses lèvres, comme dans un murmure chargé de regrets

- « Alors pourquoi l'avoir gardé pour toi tout ce temps ?... » Dans son regard, il n'y avait pas la moindre once de reproche. Juste une pointe de regret, en réalisant qu'ils auraient pu vivre des moments comme celui là et ce, depuis bien longtemps « ...Tu n'as pas idée de ce que j'aurais fais pour entendre ces mots il y a des années... » Elle fit malgré tout abstraction totale de la contrariété qui aurait été tentée de pointer le bout de son nez et de gâcher ce moment, et se décida à lui dire enfin à son tour, ce qu'elle ressentait pour lui. Elle posa donc doucement son front contre le sien et lui dit, toujours sur le même ton « Je t'aime aussi Evan...je t'ai aimé avant même de savoir ce qu'était l'amour.. » Voilà qui était bien vrai. C'était à son contact et en sa présence qu'elle s'était éveillée à ce sentiment si fou qu'était l'amour et dans ses bras qu'elle réalisait aujourd'hui qu'il y avait une toute autre dimension à ce sentiment, une dimension pleine de contradictions, à la fois effrayante et rassurante, folle et rationnelle, qui propulsait la tête dans les étoiles et les pieds bien encrés dans la réalité.