Notre destin commence ici (ft. Camryn)

Mariée. J'étais mariée. Assise dans ce qui était jusqu'alors ma suite, je me dévisageais depuis de très longues minutes dans le miroir de ma coiffeuse en tentant de me faire à tout cela. Dans les dernières soixante-douze heures, un homme avait remporté ma main lors d'un tournois, comme si je n'étais qu'un vulgaire prix, j'avais dû quitter mon royaume et mes montagnes, ma famille et ma précieuse Calliope, j'avais traversé les terres, me rapprochant des eaux et j'étais arrivée jusqu'ici, où j'avais assisté, impuissante, à la préparation de mes noces. Là non plus, je n'avais pas vraiment eut voix au chapitre, regardant mes futurs beaux-parents tout prendre en main. Puis j'avais enfilé une robe un peu trop serrée, étouffant un peu ma marque de naissance dans le dos, laisser des servantes mettre des fleurs dans mes cheveux, puis j'avais marché seule jusqu'à celui qui serait à présent mon époux et bientôt mon roi. Là non plus, on ne m'avait pas demandé si je voulais l'épouser : on nous avait juste déclaré mari et femme et il m'avait embrassé...oui, je venais d'avoir trois jours très intenses.


Perdue dans mes pensées, je n'entendis pas les servantes refaire leur entrée dans ma suite afin de me préparer pour la suite des événements, et sursauta en voyant le reflet de l'une d'entre elles dans le miroir.
Pardonnez-moi princesse s'excusa-t-elle en inclinant un peu la tête Ce n'est rien je m'empressais de répondre, désireuse de lui faire comprendre qu'avec moi, tout ce cérémoniel n'avait pas lieux d'être. A la maison déjà, tout ceci m'agaçait profondément et ici, encore plus. Je ne voulais pas qu'elles me craignent. Cela ne m'apporterait aucune fierté ni aucune satisfaction.

Je finis par me lever afin de les laisser m'ôter cette robe et, libérée, mes ailes s'éclairent légèrement en surbrillance et semblent s'animer sur ma peau, ce qui intrigue et surprend les servantes. Un sourire étirait mes lèvres, amusée, tandis que je rompais le silence Ca non plus ce n'est rien...c'est impressionnant mais rien de plus. Je croisait le regard de la première servante à qui j'avais parlé qui me sourit timidement.  Vous voulez les toucher ?Je proposais en souriant Oh non princesse, je n'oserais pas elle s'empressa de répondre en baissant une nouvelle fois la tête. J'insistais un peu plus et elle finit par céder, éprouvant du bout du doigt la sensation que pouvait provoquer cette marque dans mon dos. Mais c'est froid… elle s'écria avec surprise, avant de rougir, gênée de sa réaction et de se ressaisir Maintenant oui… je m'empressais de répondre. En effet, comme beaucoup de choses chez moi, ma marque de naissance était directement branchée à mes émotions et changeait de température et même parfois de sensation en fonction de ce que je ressentais. Inutile donc de préciser qu'aujourd'hui, elle était glaciale et un peu rêche.

Je les laissais poursuivre, le regard perdu dans le vide, tandis qu'elles troquaient ma robe de mariée contre une longue chemise de nuit de satin blanc, nouée dans le dos. Elles ôtèrent les fleurs de mes cheveux qu'elles laissèrent tomber en cascade le long de mes épaules et de mon dos, puis se retirèrent quelques instants, me laissant une fois encore seule face à mon reflet.
Ciel que j'exécrais cette situation. Je n'étais pas à ma place ici...je n'avais rien demandé. La nuit était tombée depuis bien longtemps déjà mais je percevais l'agitation qui avait lieu à l'extérieur par ma faute : l'air était électrique et un orage ne tarderait pas à éclater si je ne me calmais pas un peu. J'inspirait profondément et commençait à faire les cents pas dans ma chambre, nerveuse.

J'étais mariée à présent et qui disait mariage, disait couche partagée...j'allais devoir passer la nuit avec cet inconnu, alors que je n'en avait jamais passé la moindre avec qui que ce soit. J'avais une vague idée de ce qui m'attendait (en princesse ayant reçu une éducation bien comme il faut, je savais ce que l'on attendait de moi pendant cette nuit), mais je n'avais aucune idée des détails...Avais-je le droit de refuser ? Il me semblait bien que non. Et si il était brutal ? Je l'avais vu se battre après tout et il avait clairement une part de brutalité en lui. Comment allait-il bien pouvoir me traiter ? Nous avions à peine échangé trois phrases depuis notre rencontre…j'avais davantage discuté avec Kyras mon beau-frère et ami qu'avec celui qui était aujourd'hui mon époux de qui je ne savais presque rien et cela ne me plaisait pas vraiment. A cette pensée, un éclair traversa le ciel, suivit du coup de tonnerre quelques secondes plus tard. Voilà qui était plutôt mal partit pour me calmer.

Alors que j'inspirais une nouvelle fois, la porte de ma suite s'ouvrit : il était l'heure. Je jetais un dernier coup d'œil à mon reflet et me mis en chemin à la suite des servantes, tandis que la pluie se mettait à tomber à l'extérieur. Les servantes me précédant, ouvrirent la porte de la chambre de mon époux et me laissèrent libre le passage. J'y entrais donc après avoir pris une nouvelle inspiration, le découvrant non loin de la fenêtre...j'espère alors qu'il ignore l'étendue de mes pouvoirs, peu désireuse que l'état du ciel ne trahisse mes pensées et que cela le mette en colère.  

Il finit par se retourner me faisant face et me découvrant dans une tenue bien différente de la sienne, tandis que les servantes prenaient congé, fermant la porte derrière moi, me laissant seule avec mon prince. Je pris quelques seconde pour l'observer, tâchant de me faire une idée de ce qui m'attendais.
Il était toujours aussi beau, cela n'avait pas changé, mais je trouvais une étrange douceur teintée de nervosité dans son regard, ce qui m'apaisa un peu et en entendant ses premiers mots, la pluie cessa.

Je restais quelques secondes à le dévisager, interdite, cherchant à savoir où il en voulait en venir exactement, avant de prendre la parole à mon tour en faisant quelques pas dans la pièce Bonsoir à vous aussi… Que répondre d'autre à une telle déclaration faite comme ça, de but en blanc ? Je n'en avais pas la moindre idée. Mal à l'aise, je sentis mes ailes baisser encore en température, me faisant frissonner et me forçant à croiser frictionner discrètement mes bras pour tenter de me réchauffer un peu. Cette situation ne me plaisait pas du tout...il fallait que je reprenne le contrôle de moi-même. Alors, décroisant mes bras, je repris la parole, le sourcil droit levé et un peu d'incrédulité et d'ironie dans la voix Vous seriez donc prêt à renoncer à une "nuit de plaisir" avec votre nouvelle épouse ? Juste comme ça ?