Histoire d'une poupée pas si fragile que ça | LUCY

Lucy Gatling avait tout de la parfaite héroine de film romantique. L'enfant du milieu de la famille parfaite qu'était la famille Gatling, née après son grand frère, Gareth et avant sa petite soeur Melanie, de qui elle est très proche, elle fut toujours couverte d'amour et d'affection. Chez les Gatling, c'était la famille du bonheur : tout le monde s'entendait avec tout le monde, malgré des taquineries constantes entre les enfants, et la maison familiale était toujours pleine de rire et d'amour. Ce fut donc dans cette famille que grandit la douce Lucy, persuadée que le monde était aussi beau à l'extérieur de ses murs qu'il l'était à l'intérieur. Son enfance fut donc la plus belle, entourée d'une famille aimante et d'amis présent et chaleureux, le tout la comblant de tous les câlins dont elle avait besoin et ses jours étaient remplis d'une innocence pure et rafraichissante. Tout était parfait pour elle. Il ne lui manquait plus qu'une chose : l'amour.

Elle le trouva assez jeune en Clint, le fils d'un ami de son père qu'elle connaissait depuis bien longtemps. Le jeune homme lui faisant de l'oeil depuis des années, se montrait toujours très protecteur à son égard et toujours très attentionné, s'assurant qu'elle ne manque de rien et que rien de mal de puisse l'atteindre, ce qu'elle trouva immédiatement follement romantique. Clint était grand, beau, attentionné, souriant, bien élevé, romantique...et surtout plus âgé qu'elle et sacrément assuré. Il avait tout lui-même du parfait héro de comédie à l'eau de rose. Il était parfait pour elle. Nourrie depuis le berceau aux contes de fées et autres histoires dépeignant des hommes parfaits sans la moindre mauvaise intention, elle ne se retint pas le moins du monde et tomba éperdument amoureuse de son beau Clint.

Quand il lui annonça vouloir intégrer l'école de police, notre héroine sentit son coeur se serrer, mais se dit que le manque ne rendrait leurs retrouvailles que plus belles, et que ce n'était qu'une minuscule bosse sur le chemin que serait leur vie à deux et quand il en sortit demandant rapidement en mariage, elle sût qu'elle avait eut raison de penser ainsi.

Ils restèrent fiancés ainsi pendant deux ans, avant qu'il ne lui propose de s'installer avec lui, un an avant leur mariage. Elle hésita quelques temps avant de lui donner sa réponse...elle était bien chez ses parents, entourée de sa famille dont elle voulait profiter au maximum, mais une héroine de romance qui reste chez ses parents, au lieu de rejoindre son amour, n'était pas une vraie héroine. Alors elle accepta, quittant son cocon pour rejoindre le nid que Clint leur avait construit.

Fraichement installés ensembles, Clint semblait être l'homme le plus heureux du monde, ce qui fit d'elle la femme la plus heureuse du monde, son bonheur faisant le sien. Sa prévenance n'avait nul égal : il était toujours avec elle, s'interrogeant sur la moindre de ses activités et sur l'identité des personnes qui l'accompagnaient, ce qui réchauffait le coeur de la jeune femme, touchée de voir que son futur époux l'aimait autant. Il voulait tout savoir : combien de temps avait durer ses trajets, qui elle avait vu dans la journée, quels étaient les hommes qui avaient accompagnés ses journées, quelles tenues elle portait pour sortir...rapidement, il s’immisça partout, sans que notre héroine ne remarque rien.

Petit à petit, son intérêt se transforma en préoccupation : il n'était pas serein quand elle était seule dehors ou quand il la trouvait en compagnie de collègues masculins, il disait qu'elle lui manquait beaucoup trop quand elle partait en week-end chez ses parents, il s'inquiétait pour elle quand elle sortait en robe ou en jupe, ou que ses talons étaient trop hauts, persuadés que de telles tenues feraient tourner la tête des hommes autant qu'elles faisaient tourner la sienne, et par amour, Lucy changea petit à petit ses habitudes...elle ne voulait pas qu'il soit malheureux.

Mais ce n'était jamais assez : ses coups de fils et ses visites à ses parents étaient toujours trop nombreux, ses vêtements toujours trop moulants, trop colorés ou trop courts, son maquillage toujours trop provoquant, ses talons trop hauts, ses sourires trop nombreux et ses amis trop présents dans sa vie...bref. Rien de ce qu'elle faisait et était ne lui convenait plus. Il s'agaçait de plus en plus et son humeur se dégradait de plus en plus rapidement, volant toujours plus le sourire de sa belle.
Et puis un beau jour, après une soirée organisée dans le cadre du travail de la jeune femme, soirée où elle avait été sublime, rayonnante moulée dans une robe de toute beauté, attirant tous les regards et tous les compliments, et où Clint avait largement abusé du bar à volonté, il s'agaça plus que d'ordinaire, l'accusant d'avoir volontairement cherché à attiser l'intérêt qu'elle avait reçu des hommes de cette soirée. Face aux dénégations de la jeune femme, Clint sortit de ses gonds et leva la main sur elle pour la première fois.

Il s'en excusa bien sûr immédiatement, mettant même le genoux au sol pour se faire pardonner son geste irréparable, promettant que cela ne se reproduirait plus et fit preuve à son égard de la plus grande gentillesse les jours suivants, la laissant penser qu'il disait vrai. Et puis deux semaines plus tard, la colère de Clint s'attisa de nouveau, après avoir vu sa belle rentrer à la maison dans la voiture de Donovan, son voisin et meilleur ami, et il leva une nouvelle fois la main sur elle. Les excuses furent encore présente le lendemain, mais accompagnées cette fois de reproches
- Je sais, je n'aurais pas dû...mais tu sais que je n'aime pas quand tu es seule avec Donovan...je t'aime trop pour te laisser seule avec lui...

Les semaines passant, les coups devinrent de plus en plus fréquents et furent rapidement accompagnés de remontrances et d'insultes en tous genre, dès qu'il avait un coup dans le nez - ce qui était de plus en plus fréquent : "Trainée, allumeuse, tu l'as fait exprès, je suis sûr qu'il te drague et que tu adore ça, tu me trompe j'en suis certain, traitresse..." ces mots devinrent quotidiens, poussant Lucy de plus en plus dans ses retranchements. Elle avait définitivement perdu son innocence, et son sourire n'était plus qu'un lointain souvenir.

Au fil des jours, elle se referma un peu sur elle-même, honteuse de sa situation, et bien consciente qu'elle ne pouvait pas faire grand chose pour s'en sortir...Clint était un policier à présent...comment pouvait-elle s'opposer à lui ? Et puis dans ses bons jours, il lui arrivait encore d'être celui qu'elle avait aimé...
Aujourd'hui, l'héroine n'en est plus une, subissant une vie bien loin des contes avec lesquels elle a grandit, une vie de tristesse et de souffrance, qu'elle doit subir seule, sans la moindre perspective de délivrance à venir.
Mais depuis peu, un urgentiste qui, par le plus grand des hasards, se retrouve systématiquement à s'occuper d'elle lors de ses visites, commence à lui poser des questions, qui ne laissent rien présager de bon...