Laurel † we accept the love we think we deserve

- L'enfance de Laurel fut relativement simple et heureuse. Elle était très attendue et sa naissance fut vécue comme une bénédiction par ses parents. Treize ans plus tôt, ils avaient leur première fille, Alicia. Une petite blonde aux grands yeux bleus plein de malice. Mais un enfant ne leur suffisait pas, et ils s'acharnèrent pour en avoir une deuxième. Treize ans plus tard, il était peut-être temps. Mais c'était une chance à laquelle ils ne pouvaient décemment pas tourner le dos. Laurel vit donc le jour au sein d'une famille aimante, et relativement bien entourée. Elle n'avait, en tout cas, pas de quoi se plaindre. Mais ce fut plutôt comme si elle avait été fille unique, elle était jeune, en effet, quand sa sœur quitta le domicile familial. Et jeune aussi, quand elle se maria avec Jefferson, pratiquement membre à part entière de la famille. Elle était donc censée avoir d'autant plus de raisons d'être heureuse : ses parents s'occupaient d'elle comme si elle avait été leur seule fille, et veillaient à ce qu'elle ne manque de rien. Ce dont elle aurait pu le plus manquer, peut-être, c'était d'une sœur, la sienne étant fort peu présente dans sa vie.

- Alicia n'était effectivement pas la personne dont elle était la plus proche, bien au contraire. Souvent, il y avait des malentendus, des désaccords et c'était de plus en plus récurrent à mesure que les années passaient, et que Laurel grandissait. Son caractère s'affirmait, et s'opposait très clairement à celui d'Alicia. Elle était plus taciturne qu'elle, plus fermée, mystérieuse. Il y avait une part d'ombre chez elle que Laurel ne voyait pas vraiment, mais qui était bien là ... Et qui creusait un fossé entre elles, parmi d'autres choses bien sûr. Pour être tout à fait sincère, Laurel s'entendait même mieux avec son beau-frère qu'avec sa propre sœur. Mais la loyauté qu'elle se devait de ressentir pour sa sœur l'empêchait de l'accepter et, pendant longtemps, elle nia cela. A vrai dire, elle ne l'accepte pas même aujourd'hui. Et pour cause, Alicia ayant disparu, il n'y a tout simplement plus de possibilité d'en discuter avec elle, d'essayer d'arranger les choses. Mais vingt-huit ans plus tard, il est forcément trop tard ... Il n'y avait pas d'espoir à ce niveau-là, elles étaient, et sont, peut-être juste trop différentes l'une de l'autre.

- Etant petite, Laurel adorait piquer les appareils photos des "grands" afin de tout immortaliser autour d'elle. En général, on s'agaçait de sa petite manie. Mais il arrivait aussi que l'on s'arrête sur les clichés et que l'on se rende compte que, peut-être, il y avait du potentiel derrière cela. Ce fut en tout cas le cas de la tante de Laurel, sœur de sa mère, qui l'encourageait beaucoup sur cette voie-là - à l'encontre de ce qu'en pensait sa propre sœur. Laurel n'avait, de toute façon, pas réellement besoin de cela : elle était déjà vachement décidée. Mais ses parents n'étaient guère d'accord, souhaitaient qu'elle poursuivre ses études et se lance dans un domaine plus "terre-à-terre" qu'ils estimaient plus, et qui lui permettraient sans doute d'avoir une vie plus stable, posée. C'est à la période où elle décida pour de bon d'aller à l'encontre de leur volonté que leur relation se dégrada quelque peu : ils n'apprécièrent guère qu'elle délaisse ses études à la New-York University, études qu'ils avaient payées. Mais elle ne leur laissa pas le choix et se débrouilla, relativement jeune, pour voler de ses propres ailes. Une chance pour elle : cela fonctionna puisqu'elle obtint un poste de photographe stable au New-York Times, mais elle aurait très bien pu se planter lamentablement et c'est pour cette raison qu'elle s'assura de renouer avec ses parents assez vite ...

- Laurel avait vingt-deux ans lorsqu'elle obtint ce poste, et elle passa les trois années suivantes à parcourir le globe, à profiter des possibilités qu'on lui offrait pour découvrir les plus beaux endroits. C'est indéniablement à cette époque-là qu'elle se découvrit une passion immodérée pour le voyage, la nature et la liberté. Ce sentiment de liberté qui prend en tripes et qui nous donne l'impression d'être capable de faire n'importe quoi. Mais Laurel fut vite rattrapée par son naturel romantique, et sa furieuse envie de s'installer, de fonder une famille ... Et de retrouver les siens, aussi. Elle avait vingt-cinq ans lorsqu'elle se décida à ralentir un peu. Au cours de ses multiples voyages, elle avait rencontré des hommes, entretenu quelques relations mais jamais rien de sérieux ou, en tout cas, jamais quoi que ce soit qui put aboutir étant donné la vie qu'elle menait. Il était temps, pour elle, de se poser. Elle rentra au pays pour de bon, après des années à n'y faire que quelques allers et venues pour revoir toute la petite famille : Alicia, Jeff, Emma, Davis, ses parents. A vingt-six ans, elle s'installait dans l'appartement en face de celui des Cook. Sans savoir qu'elle signait là sa propre perte.

- Cela n'avait sans doute rien à voir avec son installation mais un an après qu'elle ait emménagé, sa sœur quitta le domicile familial. Une brève lettre, deux enfants, et un mari désabusé, c'était tout ce qu'elle laissait. Quant à Laurel, la déception se transforma vite en une vive inquiétude. Elle avait espéré nouer des liens plus forts avec sa sœur, et voilà qu'elle se volatilisait ... Elle passa trois longues semaines intensives à la chercher, bien évidemment épaulée de son beau-frère avec qui il n'avait pas été difficile de renouer. Ils s'étaient vus, au cours des dernières années, bien sûr. Et leur caractère respectif avait bien aidé à ce qu'ils entretiennent une certaine complicité, un respect mutuel qui avait, dans le fond, toujours été là. Ils s'entendaient bien, tous les deux. Et nul doute que les recherches leur furent d'une grande aide pour les rapprocher encore un peu plus ... Ce fut lent, insidieux. Et quand Laurel réalisa à quel point elle était attachée à Jefferson, à cette famille que Alicia avait créée avant de la quitter mystérieusement, il était déjà trop tard pour faire demi-tour et aucun voyage à l'autre bout du monde ne put stopper cela ...

- Elle se priva un peu de le faire, en même temps. Il lui arrivait toujours de partir, de voyager, de sauter dans un avion pour aller dans un autre pays où une belle photo l'attendait ... Mais ce fut très limité, après le départ de sa sœur. Pour la simple et bonne raison qu'il lui fallait venir en aide à Jeff. Devenir père célibataire du jour au lendemain était loin d'être simple, et Laurel fut aux premières loges pour assister à cela. Elle s'occupa d'Emma et Davis comme s'ils étaient les siens ... Avec un peu trop de conviction peut-être ? Toujours est-il qu'elle n'aurait pas pu l'abandonner à son triste sort. Et comme son objectif premier était, de toute façon, de se calmer un peu et de se poser après des années de vagabondage, elle s'arrangea avec son employeur pour, surtout, obtenir des contrats de proximité. Il y avait toujours une belle photo à faire à New-York, après tout ... Et son contrat étant fixe, elle avait toujours le même salaire à la fin du mois. Sans doute cela fut-il le début de la fin, pour elle. L'instant qui changea tout : à présent, elle l'avait, sa petite famille.
Vraiment ?